Construction d'une poubelle R2D2 à petit budget de 7 à 107 ans

Où comment parler de Kant, Aristote, Freud et Descartes tout en bricolant ?


« Make or Buy » ou le cogito de Descartes revisité

L’idée m’est venue de construire une poubelle R2D2 après en avoir trouvé une sur le site ThinkGeek.com à 150$ (plus les frais de port). La problématique du « make or buy » (faire ou acheter) ne m’a pas prise trop de temps. Depuis Descartes et son « R2D2 facto ergo sum », je sais qu’il faut faire pour exister.
« Avoir » n’est qu’un leurre de notre société consumériste. « Je fais, donc je suis (un bricoleur) », apporte bien plus de satisfaction que d’avoir une belle poubelle en plastique moulée « made in China ».

Mais au-delà de la dualité « être ou avoir », comment assumer le « paraître » ? Dans votre environnement professionnel très sérieux, comment jugez vous quelqu’un qui vous explique qu’il passe ses soirées à fabriquer une poubelle R2D2 ?

Ne préjugez pas, derrière cette activité se cache de puissantes réflexions destinées à vérifier la compatibilité mon projet avec le « ding an sich » de R2D2 (ou le R2D2 transcendant, nouménal pour ceux qui ne lisent pas Kant dans le texte). Cette compatibilité est vérifiée dans les deux paragraphes suivants.

Aristote et l’Essentialisme de R2D2

J’avais vu grand. Faire une poubelle de cuisine de 90 cm de haut. Heureusement que mon coach m’a justement averti des risques associées à une poubelle ménagère : il faut la laver, la désinfecter, et aucun autocollant ou peinture ne supporterait la javel. J’ai ainsi limité mon ambition à une poubelle à papier de bureau d’une trentaine de centimètres de haut.

De toute façon, à bien y réfléchir, cela aurait été un sacrilège de remplir le cultissime R2D2 avec des détritus sales et puants.
Hmmmmm, est ce bien vrai ? Ce droïde n’est il pas, dans nos cœurs, au dessus de tout cela ?

Et voilà posé la question de l’essentialisme de R2D2. Qu’est ce qui caractérise intrinsèquement ce petit robot ?
Aristote établit une distinction entre les propriétés essentielles et les propriétés accidentelles d’une chose.

Les propriétés essentielles d’une chose définissent ce que la chose est.
Les propriétés accidentelles définissent comment une chose est.
Dans notre cas, le fait d’utiliser une poubelle de bureau à la place d’une poubelle de cuisine est une propriété purement accidentelle, donc non essentielle.

Aristote nous dirait que les propriétés essentielles de R2D2 ne résident pas dans sa forme ni dans son contenu comme le prouvent les multiples gadgets à son effigie (poubelle, bonbon, figurine, porte-clef,...). D’accord, la forme ne compte pas et un droïde poubelle ne déclenchera pas une fatwa de la part de philosophes, fans de Starwars. Mais tout de même, une poubelle R2D2 a-t-elle un sens ? Quel serait son « but intérieur », ses aspirations ?


Aristote, Freud, Asimov et la poubelle

Pour répondre à cette question, il faut revenir 350 ans avant Jésus Christ, quand Aristote parlait du télos, c'est-à-dire le but intérieur que toute chose est censée devoir poursuivre et atteindre.
Le télos d’un gland est le chêne. Pour Aristote, le télos de la vie humaine était le bonheur, tandis que pour Saint Augustin l’amour de Dieu.
Pendant des siècles les philosophes ont transpiré très fort pour nous proposer le télos de la vie humaine. Mais personne ne s’est soucié du télos de R2D2, ou pour élargir un chouia, du télos d’un robot…

Même si la psychologie cybernétique est une discipline neuve, Freud serait d’accord pour dire que toute névrose robotique vient des relations originelles humain-robots, telles que définies dans les 3 lois de la robotique d’Isaac Asimov.

  • Première Loi : Un robot ne doit pas porter atteinte à un être humain ni, en restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.
  • Deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par un être humain sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la Première Loi.
  • Troisième Loi: Un robot doit chercher à protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la Première Loi ou la Deuxième Loi
A la lecture de ces 3 lois, il devient limpide que le télos cybernétique est l’utilité. La deuxième loi condamne les robots à être des serviteurs de l’Homme.
Ainsi, si le télos d’un robot est d’être utile à l’homme, un R2D2 poubelle sera content. Asimov aussi, et moi aussi dans la foulée. Rempli de papiers, il me sera fort utile et atteindra facilement son télos.

Me voilà donc rassuré sur la compatibilité de mon projet avec quelques principes philosophiques sur lesquels je ne transige pas : Le bricolage peut commencer ! Go !

Matériel nécessaire

  • Une poubelle en plastique blanche de 30 cm environ de haut (composée d’un cylindre pour faire le corps et d’un dôme demi-sphérique pour la tête)
  • De la peinture grise (bombe ou pinceau) (pour support plastique)
  • De la peinture bleue
  • deux pages A4 de papier autocollant pour imprimante (styleMicroApp)
  • Des polystyrènes pris dans des cartons d’emballages

Partie 1 - Le corps

Le corps cylindrique de R2D2 est la partie la plus facile. Les deux fichiers pdf ci-dessous montrent les décorations ventrales et dorsales du robot.
En fonction de l’age et du budget, vous avez le choix entre les 3 solutions :
  • La plus « pro » : vous imprimez ces décorations sur 2 feuilles de papier autocollant transparent A4. Attention à positionner bien horizontalement les feuilles. Le haut de l’autocollant (le début du motif) doit s’ajuster tout en haut du cylindre. Attention aussi à bien respecter la symétrie avant/arrière.
  • La plus « artistique » : les décorations ci-jointes vous donnent le modèle, ne vous restent plus qu’à prendre votre plus beau pinceau (ou feutre à encre indélébile noir, type marqueur) et à les retracer sur le corps de la poubelle. Attention, la surface cylindrique rend difficile le tracé de traits bien horizontaux.
  • La plus « économique » : vous imprimez ces décorations sur 2 feuilles de papier A4. Le haut de chaque motif doit être collé tout en haut du cylindre. Attention à bien respecter la symétrie avant/arrière.
Face.pdf Dos.pdf

 

 

 

Partie 2 - Le dôme

La construction du dôme est la partie la plus délicate. Car il est difficile de coller des autocollants sur une surface sphérique (donc non plane).
(Pourquoi ? ce sont des histoires très compliquées de mapping d’une surface plane (2D) non malléable dans les 3 dimensions sur une surface sphérique à 3 dimensions). Pourtant, les céramiques de Limoges utilisent des décalcomanies pour imprimer des dessins sur leurs bols. Pour y arriver ils chauffent le décalcomanie pour lui faire perdre sa rigidité spatiale. Mais nous n’allons pas utiliser cette technique trop compliquée et délicate.

Etape 1 : peindre le dôme en gris
On utilisera de préférence une peinture en bombe grise métallisée. Passer une à deux couches suivant les recommandations d’usage de la peinture. Une peinture au pinceau est aussi faisable mais risque d’avoir un rendu moins « lisse » qu’avec une bombe.
Bien laisser sécher avant de faire les étapes suivantes (mini 12h).

Etape 2 : les décorations du haut du dôme.
Il s'agit de peindre sur le dessus du dôme le motif ci-contre.
La pose d'autocollant de cette taille sur une surface sphérique étant trop délicate, il faut préférer un bon vieux pinceau et une peinture bleue pour plastique.

Le motif sera d'abord reproduit avec soin au crayon de papier en utilisant un compas, pointe enfoncée sur le haut du dôme.

  • Rayon du premier cercle : 2,25 cm
  • Rayon intérieur du second cercle : 3 cm
  • Rayon extérieur du second cercle : 6,2 cm
  • 6 secteurs, donc 60°chacun
Etape 3 : la frise en bas du dôme.
La frise bleue du bas du dôme est réalisée au moyen des autocollants ci-dessous.
Chaque motif élémentaire devra être découpé et posé unitairement (encore une fois, un autocollant trop grand ne se colle pas facilement sur une sphère).
Sur la page, la deuxième ligne vient à la suite de la première.
Dome.pdf

Etape 4 : le bouchon sur le côté.
Le vrai R2D2 a 3 bidule sur le crâne sans doute des caméras hyper sophistiquées. Nous nous contenterons d'un seul bouchon de bouteille plastique (style soda, jus de fruits) peint à la bombe en gris et collé à l'emplacement du rond gris.

Partie 3 - Les pattes

Les pattes sont dessinées sur une planche de polystyrene d'environ 2,5 cm d'epaisseur (ou 2 planches plus fines accollées).
Pour cela, dessiner au feutre le motif ci-contre, en respectant la taille de la patte qui, pour des raisons de stabilité, ne doit par descendre plus bas que le fond de la poubelle (voir photo).

Le découpage se fait au moyen d'un cutter bien aiguisé (ou d'un fil chaud pour les plus outillés).
Les pattes seront fixés à la poubelle avec un boulon/écrou et une rondelle qui évitera d'écraser le polystyrene.

Ici, la décoration de la patte ne respecte pas le modèle original. La tranche a été peinte en bleu pour augmenter le contraste (des pattes blanches à côté d'un corps blanc me semblait un peu tristounet)


Unité : cm

Conclusion


Et voilà ! vous venez de construire avec quelques euros une superbe poubelle R2D2. En plus, vous venez de faire une bonne action, en donnant la chance à un droïde de satisfaire son télos.
Au nom d'Aristote et d'Asimov, je tiens à vous remercier chaleureusement.

Diversifiez vos poubelles !


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